Associés au cœur d’une joint-venture, les deux acteurs ont dévoilé ce mercredi 25 octobre, lors d’un événement exceptionnel, la nouvelle plateforme cloud qu’ils ont mise en œuvre au départ de la solution Google Distributed Cloud Hosted. Gérard Hoffmann, CEO de Proximus Luxembourg, et Paul Konsbruck, CEO de LuxConnect, évoquent cette première solution européenne.
Pouvez-vous nous rappeler ce qui vous a conduit à établir cette joint-venture ?
Gérard Hoffmann : L’origine de ce projet remonte à plusieurs années. Depuis 2018, dans le contexte de Proximus, nous avons engagé des discussions avec Google ainsi qu’avec d’autres opérateurs de plateformes cloud, pour voir comment nous pourrions répondre à des préoccupations croissantes de nos sociétés en matière de souveraineté informatique. À ce moment, d’autres acteurs dans le monde partageaient ces mêmes préoccupations, notamment du côté de Singapour ou encore de la Chine. Le souhait était de pouvoir bénéficier des technologies accessibles depuis les plateformes cloud en ayant les garanties que celles-ci ne soient pas connectées avec les États-Unis d’une manière ou d’une autre. Le projet « Isolated Region », porté par Google à l’époque, a finalement été abandonné. Sur demande de l’Europe, ces derniers mois, la firme a finalement décidé de reprendre le projet sous une nouvelle forme.
Paul Konsbruck : C’est ce cloud souverain, déconnecté, que nous avons dévoilé ce mercredi 25 octobre, au cours de l’événement qui révélait officiellement notre joint-venture. Celui-ci s’appuie sur la technologie Google Distributed Cloud Hosted, rendue accessible pour la première fois en Europe à des partenaires. Cette offre répond à de nouvelles attentes, de plus en plus exprimées par le marché. En tant qu’opérateur d’infrastructures de connectivité, et notamment de data centres, nous observons un important mouvement des clients vers le cloud. Notre volonté est d’ accompagner cette transformation au départ de nos infrastructures. Il y avait également un grand intérêt du gouvernement luxembourgeois à voir une solution de cloud souverain mise en œuvre au départ du Grand-Duché. Nous avons donc analysé plusieurs pistes et pris part aux discussions avec Google et Proximus, pour voir ce qu’il était possible de proposer. La solution que nous avons mise en œuvre ensemble permet un accès à des technologies avancées en offrant des garanties fortes en matière de protection des données.
Peut-on rapidement revenir sur la notion de cloud souverain ?
Paul Konsbruck : Lorsque l’on évoque ce concept de souveraineté, diverses définitions sont généralement avancées. Un cloud souverain permet de garantir une réelle proximité entre les utilisateurs et le lieu où sont hébergées ou traitées leurs données. Celles-ci doivent être préservées au cœur d’un data centre situé sur le territoire national, dans des régions proches ou, à tout le moins, en Europe. La souveraineté, d’autre part, implique de disposer d’un contrôle d’accès aux données. Autrement dit, les opérateurs de la plateforme doivent aussi relever de la juridiction des utilisateurs ou du moins être européens.
Gérard Hoffmann : Une autre dimension importante est la possibilité d’accéder à des technologies avancées que seuls les grands providers de plateformes cloud proposent. En l’occurrence, on parle ici des outils d’intelligence artificielle. L’idée est de proposer des solutions d’IA souveraines. À travers la solution que nous avons dévoilée ce mercredi, l’idée est que LuxConnect et Proximus opèrent la plateforme grâce à la joint-venture mise en place. . Un lien – à travers un sas ou « airgap » – est maintenu avec Google, pour permettre la mise à jour des solutions ou le déploiement de nouvelles fonctionnalités. Pour chaque mise à jour, une inspection des nouveaux éléments est réalisée par les équipes au Luxembourg, pour s’assurer que les conditions de souveraineté sont bien respectées. Ce n’est qu’à ce moment que les fonctionnalités sont déployées et mises à disposition des utilisateurs au départ des infrastructures de LuxConnect.
Pourquoi vous êtes-vous tournés vers Google en particulier ?
Gérard Hoffmann : Aujourd’hui, ces technologies ne sont pas portées par des acteurs européens. Pour les proposer, nous devions nous tourner vers l’un des grands acteurs américains. Google a montré un grand intérêt pour le Luxembourg, en tant que place importante au cœur de l’Europe, avec une stratégie digitale gouvernementale ambitieuse. Cela nous a été confirmé lors de la visite du Premier ministre en Californie au printemps dernier.
Pouvez-vous nous en dire plus sur les contours de cette joint-venture ?
Paul Konsbruck : Ensemble, nous avons créé une nouvelle structure, qui répond au nom de Clarence, qui résulte de la contraction de Clarity et de Transparency, deux valeurs fortes attendues par le marché. LuxConnect est détenteur de 60% des parts de l’entreprise. Le reste des parts est détenu par Proximus. Nos deux entreprises sont complémentaires. Proximus apporte une expertise liée aux services numériques aux entreprises, notamment aux entités régulées au niveau de la place financière. Du côté de LuxConnect, nous sommes des experts en matière d’hébergement et de sécurité des données au départ de cette infrastructure robuste que sont nos data centers certifiés Tier-IV.
Comment évaluez-vous la demande pour une telle solution ?
Gérard Hoffmann : La demande est considérable et se fait par des acteurs émanant d’une grande variété de secteurs. Nous pensions au départ que l’intérêt se manifesterait avant tout du côté des institutions publiques ou des acteurs étatiques. On constate que l’industrie, soucieuse de protéger sa propriété intellectuelle, est aussi très demandeuse d’une telle plateforme. Le succès de notre événement de ce mercredi, qui accueillait des speakers de renoms comme Xavier Bettel, Petra de Sutter ou encore Vint Cerf, témoigne de l’attrait de la solution.
Quelle est l’ambition poursuivie avec le déploiement de la solution ?
Paul Konsbruck : La volonté est de commercialiser la solution sur les pays dans lesquels nous sommes actifs en tant que partenaires, notamment à travers Proximus également, à savoir le Luxembourg, la Belgique et les Pays-Bas. L’accès à cette solution de plateforme cloud déconnectée est une première en Europe et pourrait susciter de l’intérêt au-delà du Benelux. Nous verrons, progressivement, comment l’intérêt aujourd’hui manifeste se concrétise au niveau de l’adoption de la plateforme.